mercredi 10 juillet 2013

Transcription d'un entretien avec Bernard Zeller à propos de son livre L'autre Visage d'Edmond Michelet

Entretien avec Bernard Zeller sur une radio libre
à propos de son ouvrage
"L’autre visage d’Edmond Michelet"

RL : Pouvez-vous nous rappeler dans les grandes lignes qui était Edmond Michelet ?

BZ : Edmond Michelet est né en 1899. Son père était un grand épicier, dans le groupe Félix Potin. Il a grandi dans un milieu où son père était attiré par le Sillon de Marc Sangnier et sa mère était plutôt monarchiste. En fait il est monarchiste dans sa jeunesse et il est d’Action Française. Il s’engage à la fin de la guerre de 1914-18 mais ne va pas au front. Après cette guerre, il est en Allemagne en occupation. Il écrit à l’Action Française pour donner ses impressions. Son texte est retenu par Charles Maurras et publié dans l’Action Française. Donc une période Action Française. Celle-ci est condamnée par Pie XI, en plusieurs temps. Puisque, dans un premier temps, c’est une condamnation théologique et, dans un deuxième temps, les membres de l’Action Française sont interdits de sacrements, ce qui est très lourd pour un catholique, bien sûr. Il était catholique. Ses deux parents étaient catholiques. Il obéit, mais avec un certain retard. Il reprend sa carte d’Action Française, ce jusqu’à la dernière limite.
Progressivement, il se rapproche de l’Action Catholique de la Jeunesse Française (A. C. J. F.) dans un premier temps, puis devient démocrate-chrétien, pour utiliser un terme un peu anachronique, démocrate-populaire plus exactement. Il s’intéresse aux questions sociales, ce qui était également le cas de l’Action Française. Pour simplifier, il vire à gauche. Il devient un chrétien de gauche, il s’intéresse beaucoup à toutes les questions de la religion dans le monde ouvrier.
Et puis on arrive dans les années 1930. Il s’installe à Brive. Ses parents avaient déménagé de Paris à Pau. Son épouse est de Brive. Il s’y installe pour le reste de sa vie. Brive devient son point central. Il y fait venir des gens comme Georges Bidault qui était démocrate-chrétien et d’autres, le père Maydieu, des gens qui viennent faire des conférences.
Pendant la guerre civile espagnole, il accueille les réfugiés républicains. Ensuite, il est très sensibilisé au danger du national-socialisme et accueille des réfugiés d’Allemagne, juifs et non juifs. Il est très sensible à cela. En 1940, le 17 juin, donc un jour avant le fameux 18 juin 1940, il rédige un tract en reprenant des extraits de Péguy issus de « L’argent-suite » dans lequel il appelle à résister : « Celui qui se bat est mon camarade, etc. » - citation approximative – et avec quelques amis il distribue ces tracts dans les boîtes aux lettres de Brive. Comme il est un homme important de la profession des courtiers en grains qui lui sert de couverture, il est à la fois au Secours National et dans la résistance. Il devient chef d’un groupe de résistance important, la région V du mouvement "Combat" jusqu’en 1943, et là, je passe sur les détails si je puis dire, il est arrêté, détenu à Fresnes pendant 6 mois et ensuite est déporté à Dachau. A Dachau, il a un rôle extraordinaire de chrétien, de catholique. Vous savez qu’il y avait énormément de prêtres qui avaient été déportés à Dachau, des prêtres allemands, autrichiens et, ensuite, des prêtres polonais qui étaient dans des baraques indépendantes. Là, il apporte clandestinement  la communion à l’intérieur du camp alors que les non ecclésiastiques n’avaient pas accès aux baraques des prêtres. Il a un rôle d’union parmi les français. Il manque de mourir du typhus en 1945. Il en réchappe et il reste jusqu’au dernier jour pour organiser le départ et le retour des français en France.
Après la guerre, il est choisi d’abord comme représentant M. R. P. – Mouvement Républicain Populaire, c’est-à-dire l’incarnation politique de la démocratie chrétienne à cette époque en France – à l’Assemblée Consultative et ensuite, il est élu à l’Assemblée Constituante et là, De Gaulle vient le prendre en novembre 1945 pour être ministre des Armées.

RL : C’est très étonnant. D’ailleurs, il en est le premier étonné.

BZ : Oui, il pensait être ministre du ravitaillement étant donné ses connaissances dans ce domaine-là.
Il faut se rappeler que de Gaulle reste ministre de la Défense Nationale, donc ministre des Armées, c’était plutôt s’occuper de la déflation des effectifs. C’était une période très difficile de ce point de vue. L’armée était très attaquée car elle avait réquisitionné énormément de bâtiments, d’automobiles, etc. Elle avait l’Intendance. Michelet s’est occupé surtout de ces questions-là. De Gaulle part en janvier 1946, démissionne, s’en va et Michelet reste. Il reste dans les gouvernements de Félix Gouin et de Georges Bidault, gouvernements provisoires, jusqu’à ce que la constitution de la IVe République soit votée, en octobre 1946 et qu’un nouveau gouvernement soit installé en décembre. Il est M.R.P. et gaulliste. Mais le R.P.F., le Rassemblement du Peuple Français est créé par de Gaulle ; le R.P.F. veut être un rassemblement, au-delà des partis. L’idée était que des gens de divers partis, le M.R.P., l’U.D.S.R. – l’Union Démocratique et Socialiste de la Résistance, Chaban-Delmas et Mitterrand, par exemple, appartenaient à l’U.D.S.R. – s’inscrivent à un intergroupe de la Chambre des députés, où Michelet s’est fait élire. En fait, le M.R.P. ne veut pas de la double appartenance et Michelet est exclu du M.R.P. et devient un des responsables du R.P.F.
Il paraît que ce serait lui qui aurait inventé l’expression « La Traversée du désert ». Il milite à fond pour  le retour du général de Gaulle dans les périodes où de Gaulle ne croyait même plus revenir au pouvoir. Il est élu sénateur et, en 1958 juste avant le retour au pouvoir du général de Gaulle, il est vice-président du Sénat. Il a eu un rôle important au Sénat et permanent au R.P.F. pour le retour au pouvoir du général de Gaulle.
De Gaulle revient au pouvoir à la fin de mai 1958, grâce à la révolution d’Alger du 13 mai 1958, et prend Michelet comme ministre des Anciens Combattants. Ensuite, aux débuts de la Ve  République, au début de 1959, de Gaulle, président de la République – il était seulement président du Conseil jusqu’à la fin de 1958 – prend Michel Debré comme Premier Ministre et Edmond Michelet comme ministre de la Justice, donc au début de 1959 ; Il reste ministre de la Justice jusqu’en août 1961 ; Chaban-Delmas le nomme au Conseil Constitutionnel – de Gaulle le lui avait promis. Il est au Conseil Constitutionnel  jusqu’en 1967. Là, de Gaulle lui demande d’aller se présenter dans le Finistère pour être député. Il n’était pas évident à cette époque-là que les gaullistes conservent la majorité à la Chambre des députés. Il se fait élire député, est pris comme ministre de la Fonction Publique dans un gouvernement Pompidou et, en 1968, après mai, Pompidou est remplacé par Couve de Murville. Michelet n’est plus ministre. Il soutient la candidature de Pompidou à l’élection présidentielle de 1969 et Pompidou le prend comme ministre de la Culture dans un gouvernement Chaban-Delmas ;  il succède à Malraux. Il meurt en 1970 dans ses fonctions de Ministre de la Culture.

RL : Au-delà de cette reconstitution objective des faits principaux de la vie d’Edmond Michelet, pourquoi avez-vous voulu écrire ce livre qui présente « L’autre visage d’Edmond Michelet » ? Qu’est l’autre visage d’Edmond Michelet ?

BZ : Il y a un visage qui est répandu –relativement peu d’ailleurs car les gens qui connaissent Edmond Michelet ne sont pas très nombreux, il y en a autour de Brive, bien sûr.

RL : C’est effectivement ce que j’allais dire. Cette émission est à double face parce que, à la fois, Edmond Michelet est un personnage méconnu ou peu connu du grand public et, en même temps, vous présentez un nouveau visage.

BZ : Le premier visage, c’est celui d’un saint laïc. André Malraux a dit de lui qu’il a été l’aumônier de la France. A ce sujet, il y a de nombreuses citations de personnalités, lors de sa mort. On peut en noter quelques-unes :
-          Jean-Marie Domenach, d’Esprit, qui était son ami : « Car il s’était produit un phénomène exceptionnel. Dans les trois jours qui suivirent cette mort, l’homme avait grandi. Des amis avaient parlé de lui dans les journaux, à la radio. On les questionnait. Qui était cet homme ? (La question se pose encore aujourd’hui !). Ceux qui ne l’avaient pas connu sentirent qu’il y avait en lui quelque chose de pas ordinaire ; ceux qui parfois souriaient de sa naïveté aperçurent alors sa grandeur. J’ai réalisé tout à coup ce que signifiait une canonisation, une vraie, pas celle que décrète après des siècles des bureaucrates consciencieux, mais celle que fait un peuple quand il sent qu’un homme lui manque et qu’il le met aussitôt dans sa légende afin qu’il ne cesse pas d’aider les vivants ». C’est un peu grandiloquent, mais bon…
-          Bouteflika, qui était ministre des Affaires Etrangères : « Un interlocuteur bienveillant et efficace, un ami d’un constant soutien dont la compréhension et la hauteur de vues nous ont été précieuses. »
-          Gabriel de Broglie : « J’avais été profondément touché par sa bonté, sa sainteté même et par la richesse de sa personnalité ! »
-          Le Père Carré : « On avait envie de penser à lui comme à un faiseur de miracles. » 
-          Charles de Gaulle : « Toujours au premier rang des plus méritants. » Ce n’est peut-être pas lui qui peut décerner des certificats de sainteté !
-          Roger Dumaine, qui était un de ses proches collaborateurs : « Il avait cette grâce de lumière ! »
-          etc.
 Voyez, dès sa mort, dans un cercle - quand même de ses amis – il y a eu l’idée qu’il était un saint. Je pense que tout cela est surtout axé sur sa période Dachau, et là, en effet, c’est assez extraordinaire.

RL : D’ailleurs, dans votre livre, vous en parlez et vous-même êtes d’accord pour dire qu’il a été exemplaire durant sa déportation.

BZ : Bien sûr ! Ah, Oui, c’est assez extraordinaire.
Donc voilà le premier visage d’Edmond Michelet, qui est porté aujourd’hui par un certain nombre de gens. Il est difficile de reconstituer les étapes du processus de béatification en ce qui concerne Michelet car il y a eu un essai raté au départ. Le Vatican a dit non, vous êtes partis trop tôt, sans mon aval. C’est reparti, en 2006. Mgr Charrier, qui est l’évêque de Tulle, diocèse dans lequel Edmond Michelet est mort, a lancé la phase de l’enquête diocésaine. Deux mots sur les conditions à remplir pour être bienheureux et éventuellement saint. Il y a une enquête diocésaine qui est lancée par l’évêque du diocèse où le futur possible bienheureux est mort ; pour cette enquête, il faut créer une commission historique et une commission médicale. Pourquoi ? Parce que, pour être béatifié et a fortiori pour être saint, il faut avoir vécu – sauf si on est mort martyr pour sa foi, ce qui n’est pas le cas d’Edmond Michelet – il faut avoir vécu héroïquement les vertus chrétiennes. Il y a sept vertus chrétiennes, trois théologales – foi, espérance et charité – et quatre cardinales – force, tempérance, justice et…

RL : Prudence.

BZ : Merci. La commission historique, qui ne doit pas porter de jugement sur le caractère saint ou non saint, bienheureux ou non bienheureux,  de Michelet en l’occurrence, doit constituer un dossier rassemblant tout ce qui a trait – les dires, les écrits, les faits – au futur bienheureux. Quand une enquête diocésaine a été ouverte à propos d’une possible béatification, celui qui en est l’objet est appelé un serviteur de Dieu. Il faut faire un dossier. Dans le cas de Michelet, ce dossier est absolument énorme. Vous avez entendu un résumé de sa vie. S’il faut chercher partout ce qu’il a pu écrire du temps de l’Action Française et puis quand il a été ministre, toutes les lois, les ordonnances, tout ce qu’il a signé – je suppose que c’est ce qu’il faut faire. Le rôle de la commission historique est très important puisque ses travaux vont être transférés dans un dossier complet avec les résultats des travaux de la commission médicale. Car en plus d’avoir vécu héroïquement les vertus chrétiennes, il faut aussi qu’un miracle ait eu lieu. Le miracle, en général, c’est la guérison de quelqu’un. Un postulateur, dans le cas de Michelet, une postulatrice – Lucienne Sallé – rassemble tout le dossier en liaison avec l’évêché de Tulle. Il y a donc un énorme travail à faire et la commission historique a un rôle fondamental. Les membres de cette commission historique ont été nommés par l’évêque de Tulle et c’est là que le bât blesse. Les universitaires ou archivistes qui ont été nommés, eh bien, en général, ils ne sont pas défavorables à la cause de Michelet. On peut normalement leur faire confiance sur leur objectivité et je pense qu’ils pensent sûrement être objectifs. Mais on peut se poser la question. J’ai suivi cela de près. Quelquefois, c’est hagiographique alors que cela ne doit pas l’être. Et dans cette commission, il n’y a pas d’historiens neutres, athées ou agnostiques, ou aussi plus jeunes ; car ses membres sont assez âgés. Ce sont souvent des professeurs émérites, car les autres n’ont pas le temps de faire ce travail.
Le premier visage, c’est celui de Michelet à Dachau, c’est celui de Michelet qui était un homme bon, par certains aspects. En 1950, député, il demande qu’on vote en faveur d’une amnistie et qu’on libère le maréchal Pétain. En l’occurrence, ce n’est pas un violent. Il y a cet aspect-là chez Michelet. Et il y a aussi le côté – passez-moi l’expression – cul bénit qui me gêne un peu : il monte les marches de son ministère une à une en récitant des "Je vous salue Marie". Bien, très bien. Mais enfin, on le sait, ça s’est su…
Beaucoup de ceux qui l’ont connu ont de lui l’image de quelqu’un de très bon.
Et puis alors, l’autre visage, qu’est-ce que c’est ? Il est homme politique et quand on est homme politique, quand on est ministre, on prend des décisions très fortes. Est-ce que ses décisions – toutes – ont été prises dans cet esprit – je ne parle pas de la foi ni de l’espérance, il les avait profondément – dans cet esprit de charité, de justice, de force au sens théologique, si l’on passe au crible ses actes, ses déclarations, les ordonnances, les lois qu’il a signées.

RL : Ne pourrait-on pas vous rétorquer que la canonisation est une affaire privée, que c’est  l’homme qu’on canonise ? Est-ce que ses choix politiques ont une implication dans son procès en béatification ?

BZ : Je pense qu’on ne peut pas tirer un trait sur ses périodes de ministre. J’ai entendu dire, mais là il nous faudrait l’avis d’un bon théologien, qu’on pouvait se focaliser sur une période de la vie qu’on pourrait donner en exemple de sainteté. Je considère cela comme un peu étonnant, surtout quand c’est  plutôt la deuxième période de la vie qui ne paraît pas – à mon goût en tout cas – extrêmement sainte.
On a vu l’inverse. On a vu Charles de Foucauld qui a eu une première partie de sa vie plutôt agitée et le reste de sa vie a été extraordinaire.

RL : Mais, là on est dans le cas d’une conversion. Quand il y a conversion, on peut s’attarder sur ce qui se passe après la conversion. Ce n’est pas le cas de Michelet

BZ : Oui. La question est ouverte. On veut canoniser – quand je dis On, je ne sais pas qui, c’est un pronom malhonnête – des hommes politiques démocrates-chrétiens. Il y a en cours une procédure de béatification pour Robert Schuman, Alcide de Gasperi et Giorgio La Pira en Italie, plus Edmond Michelet. Il y en a quatre. Il faut dire qu’il y a beaucoup de rois et d’empereurs ou d’épouses d’empereur qui sont ou seront béatifiés ou canonisés et il faudrait des hommes politiques. Cela se comprend d’ailleurs. Vu par l’Eglise, un engagement politique, pour un chrétien, peut viser très haut. Il y a une certaine volonté de béatifier des hommes politiques.

RL : Vous y faîtes allusion, la vie de Charles de Habsbourg, sa vie d’empereur, sa vie d’action politique est indissociable de sa vie de chrétien et son combat pour la justice et pour la paix est véritablement mis en avant dans sa vie.
Quand on béatifie un homme politique, il faut qu’il ait vécu sa vie politique en chrétien, c’est ce que vous défendez dans votre livre. Edmond Michelet est-il exemplaire comme homme politique ?

BZ : Je ne développe pas dans mon livre le passage de Michelet à Dachau. Il est extraordinaire. Supposons qu’Edmond Michelet soit béatifié et ultérieurement, éventuellement, canonisé. Il serait donné en exemple. On ne va pas le couper en petites tranches. Et de plus, si on se souvient d’Edmond Michelet, c’est autant en tant que ministre qu’en tant que déporté à Dachau. C’est un homme, il n’est pas coupable en deux. C’est important et j’ai regardé ce qui n’apparaît pas dans les livres qui lui sont consacrés, un livre écrit par son fils Claude Michelet, tout à fait intéressant, un livre écrit par Jean Charbonnel et d’autres encore. Michelet a eu une famille importante : sept enfants, plus de quarante petits-enfants qui sont un peu partout – des énarques, un évêque Mgr Rivière, évêque d’Autun, Chalon et Mâcon. Donc, il a des relais. Et c’est en tant qu’homme politique que j’ai regardé ce qu’il a fait. Certains de ses actes très importants n’apparaissent pas dans ces ouvrages : le rétablissement de la peine de mort en matière politique et l’exigence qu’elle soit requise contre le général Challe et mon père. Tout à l’heure vous demandiez pourquoi je m’étais intéressé à ce cas. Au départ, c’est évidemment cela qui m’a intéressé. Quand vous apprenez du ministre de la Justice qui a demandé avec extrêmement de force que la peine de mort soit appliquée à votre père qu’il se dit en même temps qu’il va être béatifié, on se pose forcément des questions.
Je ne suis pas resté là-dessus, bien évidemment. Je ne fais pas une fixation là-dessus. Cela m’a intéressé de savoir pourquoi l’Eglise avait lancé ce processus de béatification, qui était Edmond Michelet, et d’essayer de comprendre comment cet homme, qui manifestement est un chrétien, qui a une foi très profonde,  a pu, dans certaines circonstances, avoir des attitudes qui, à mon sens – le bon sens courant doit aussi jouer dans ce registre-là, ce n’est pas une théologie extrêmement complexe qui permet de discerner la sainteté – comment cet homme a pu se comporter de manière pas du tout chrétienne – je le dis.  

RL : Je tiens à préciser que votre livre est très objectif. Vous établissez les faits, vous présentez comment les choses se sont passées en montrant les moments où Michelet a pu être un véritable chrétien et être véritablement exemplaire et d’autres moments où, à votre sens, qui rejoint le bon sens, son attitude a été un peu plus discutable, le tout sans passion.

BZ : J’ai essayé. C’est peut-être ma formation scientifique qui fait qu’on essaie de ne dire des choses  que si elles sont assurées, recoupées ; dire des choses et montrer d’autres choses, pas seulement celles qui vont dans un sens. Je ne me prends pas pour un historien mais j’ai essayé de l’être.
On peut parler de cette question de la peine de mort. En soi, rétablir la peine de mort pour raisons politiques est déjà une question. Elle avait été abolie en 1848. Il y a eu 112 ans pendant lesquels il n’y a pas eu de peine de mort en matière politique. Cela ne veut pas dire que des homme politiques n’ont pas été condamnés à mort et exécutés mais ils ont été condamnés pour autre chose que pour leurs seules opinions. Parce qu’ils avaient commis des actes physiques répréhensibles, si je peux dire. L’analyse du procureur général Besson, qui était procureur près le Haut Tribunal Militaire qui a condamné les généraux Challe et Zeller – entre parenthèses à seulement 15 ans de détention – l’analyse montre que risquaient la peine de mort des comparses très secondaires. Ceci, d’après le nouveau code pénal qui avait fait l’objet d’une ordonnance – c’est-à-dire qu’il n’avait pas été discuté par la représentation parlementaire, c’était une ordonnance prise par le gouvernement en juin 1960 et signée par Michelet. Admettons cela, bien que cela se discute.
Il y a le procès des généraux Challe et Zeller. Michelet écrit – il a tout à fait la possibilité d’écrire – il écrit au procureur général : C’est la peine de mort qui s’applique dans ce cas ; je ne vois pas de circonstances atténuantes. Un petit détail : cette lettre d’Edmond Michelet au procureur général Besson, il l’a soumise au général de Gaulle avant de l’envoyer – je l’ai vue aux archives nationales – , quatre ou cinq expressions sont corrigées par le général de Gaulle qui les rend encore plus dures, mais, même sans les corrections, c’était déjà très net. C’est important parce que cela montre la relation de Michelet à de Gaulle. Cette relation de gaullisme intégral, Michelet la revendique lui-même.

RL : Pourriez-vous rappeler quelle était la position d’Edmond Michelet au début de la guerre d’Algérie ?  Ce qu’il a pensé et comment il a évolué et ce qui peut éclairer son attitude au moment du procès des généraux Challe et Zeller ?

BZ : En 1955, juste après le début de la guerre d’Algérie – qui n’était pas alors une guerre – Michelet n’imagine pas une seconde que l’Algérie ne reste pas française, d’une part, et, au Sénat, il fait même voter des textes pour que, le 14 juillet 1955, le défilé et la fête du 14 juillet soient dédiés aux soldats français qui se battent en Algérie pour la défense de la civilisation occidentale. Il est très net. On l’entend encore dire des choses dans le même sens en 1956, 1957, 1958 et même 1959 quand il est ministre.
Quand il y a eu ce que l’on appelle le massacre de Mélouza, c’est-à-dire une tuerie perpétrée par le F.L.N. à l’encontre de plusieurs centaines d’habitants d’un village s’appelant Mélouza qui étaient plutôt favorables à une autre mouvement nationaliste, le Mouvement National Algérien, M.N.A. – il y a eu un massacre absolument abominable – Michelet compare les chefs du F.L.N. à Hitler

RL : Ce qui dans la bouche d’un ancien déporté est très significatif.

BZ : Exact. En même temps, il écrit un livre sur la guerre d’Algérie, « Contre la guerre civile » d’où il est assez difficile de savoir ce qu’il pense vraiment.
Lors d’une conférence sur Michelet en septembre 2012, à Aubazine près de Brive, un orateur parlait de double fidélité de Michelet. C’est un peu facile de parler de double fidélité. Il reste fidèle à l’Action Française et il n’est plus dans l’Action Française. Il est fidèle à l’Algérie Française – au moins en paroles – et il n’est plus pour l’Algérie Française. Cela devient du double jeu ! Pourquoi ? A-t-il des convictions pas très établies ? J’ai une explication. Il est gaulliste intégral et quand il sent que ce n’est plus l’idée du général de Gaulle, il vire. Il peut avoir ses idées propres à lui mais elles passent derrière celles du général de Gaulle. C’est ce qui s’est passé pour l’Algérie. Vous savez que de Gaulle est venu à Alger le 4 juin 1958 et a prononcé le fameux discours « Je vous ai compris !» et « Je déclare qu’à partir d’aujourd’hui il n’y a plus dans l’Algérie qu’une seule catégorie de citoyens, des Français à part entière.. » Eh bien, Michelet, ministre des Anciens Combattants, reprend cette expression quand il va en Algérie voir les anciens combattants, musulmans et européens : Vous, anciens combattants d’Algérie, vous êtes des français à part entière et vous aurez le même traitement que les français de métropole. Il dit cela jusqu’à la fin de 1958. A partir du moment où le discours de de Gaulle change – on peut conjecturer indéfiniment sur le fait que de Gaulle était dès le début sur la position de lâchage de l’Algérie – ou pas – personne n’en sait rien finalement et la seule chose sûre c’est qu’il n’a pas dit ce qu’il voulait faire au moment où il avait décidé de le faire, et c’est cela qu’on peut lui reprocher fondamentalement – il suit, où il précède, de Gaulle. Il y avait beaucoup de gaullistes intégraux ou inconditionnels qui croyaient deviner ce que voulait de Gaulle et qui allaient avant lui et plus loin que lui.
En 1960, Michelet sent que cela commence à basculer, c’est-à-dire que la répression contre le F.L.N. bascule au profit de la répression contre les partisans de l’Algérie Française et là Michelet passe de l’une à l’autre sans problème et on arrive à l’ordonnance de juin 1960 sur le rétablissement de la peine de mort en matière politique.

RL : A l’époque, il est Garde des Sceaux ?

BZ : Il est Garde des Sceaux, ministre de la Justice.

RL : Que trouvez-vous dans cette attitude allant à l’encontre des vertus chrétiennes, car la vertu chrétienne n’oblige pas à être partisan de l’Algérie Française ?

BZ : Absolument !

RL : Que peut-on reprocher à Edmond Michelet ?

BZ : La dissimulation. Quand mon père était Chef d’Etat-Major de l’Armée – à l’époque Armée signifiait armée de terre – il a quitté le service actif dans l’Armée le 30 septembre 1959. Il a vu Michelet, s’est entretenu avec lui de son trouble à propos de l’évolution de la politique suivie en Algérie. Michelet lui a répondu : Mon cher général, ne vous en faîtes pas ; dans cinquante ans, le drapeau français flottera encore sur Alger ! Est-ce qu’il le pensait ou bien était-ce une bonne parole pour rassurer son interlocuteur ? Je pense maintenant que c’est de la dissimulation, au profit de l’action du général de Gaulle. Il a été sous le charme – au sens fort du terme – du général de Gaulle.

RL : A quel moment peut-on distinguer la dissimulation de la prudence en politique ? A quel moment fait-on, en politique la limite entre le bien et le mal ?

BZ : Vous avez raison de poser cette question. Je pense qu’à partir du moment où le destin – la vie ou la mort – de dizaine de milliers ou de centaines de milliers de gens est en jeu, on ne peut pas se permettre de dissimuler. Cela me paraît fondamental. Un chrétien en politique ne peut pas dissimuler. Qu’on ne dise pas tout de suite les choses quand les enjeux ne sont pas de cette importance-là, pourquoi pas ? Cela fait partie du jeu politique acceptable pour un chrétien.  Quand on a vu ce qui s’est passé ultérieurement en Algérie – et ce n’est pas aujourd’hui que l’on se dit : Ah, si on l’avait su, Ah, on ne savait pas que ça se passerait comme ça ! On savait très bien à l’époque que cela se passerait comme cela s’est passé – des massacres abominables en Algérie. S’il y a eu la révolte des généraux, qui n’étaient vraiment pas des fascistes, je peux vous le dire, c’est parce qu’ils savaient ce qui allait se passer en Algérie. De Gaulle lui-même l’avait dit : « Dans quel état serait l’Algérie, quels massacres n’y aurait-il pas si nous la quittions ? » Et c’est ce qu’il a fait. C’est grave, et dissimuler dans ces conditions me paraît tout à fait grave.

RL : Un des éléments sur lesquels vous revenez dans votre livre, en posant plus de questions d’ailleurs que vous n’apportez de réponses – après tout, votre livre est là pour cela – est la question de l’implication d’Edmond Michelet dans l’Affaire Si Salah. Pourriez-vous rappeler qui est Si Salah et de quoi il s’agit ?

BZ : Je vais essayer d’être très bref. C’est une affaire assez complexe. L’Algérie, vue du côté F.L.N. était divisée en Wilayas. Il y avait six Wilayas en Algérie regroupant les combattants du F.L.N.
Le chef de la Wilaya IV, la plus importante, qui couvrait Alger et l’ouest-Algérois, s’appelait Si Salah. De Gaulle, en 1958, après son retour, offre ce qu’il appelle « La Paix des braves » aux combattants du F.L.N. et, en septembre 1959, offre l’autodétermination avec trois possibilités : ce qu’il appelait la francisation, l’association ou la sécession. Pendant ce temps-là, les généraux en chef, Salan d’abord, Challe ensuite, combattent militairement contre le F.L.N. et le F.L.N. est de plus en plus asphyxié à l’intérieur de l’Algérie. Les barrages, qu’il y a sur les frontières tunisiennes et marocaines par lesquelles venaient les armes et les hommes – de moins en moins – sont de plus en plus étanches. On a compris ce qu’était la guerre révolutionnaire ; ce ne sont pas des grands déploiements de force qui sont efficaces mais les commandos de chasse, etc. Donc le F.L.N., dans certaines wilayas et en particulier dans la Wilaya IV est aux abois et le discours de de Gaulle proposant la « paix des braves » a une résonance auprès du chef de la Wilaya IV qu’est Si Salah. Celui-ci, via ses adjoints, prend contact avec les autorités via un cadi – juge de droit musulman -  pour indiquer qu’ils sont prêts à discuter. Le cadi informe d’abord le procureur général Schmelck à Alger, qui était un proche de Michelet – ministre de la Justice – et qu’il l’informe. Michelet informe Debré. Tous deux vont chez de Gaulle pour lui dire : « Il y a des combattants du F.L.N. prêts à discuter pour examiner comment faire une paix dans l’honneur. Cela ne voulait pas dire qu’ils se rendaient ou qu’ils capitulaient mais ils souhaitaient voir comment aller dans le sens que de Gaulle avait proposé. De Gaulle accepte de poursuivre les contacts. J’ai d’ailleurs vu aux Archives Nationales une note manuscrite de de Gaulle qui précise les modalités des discussions avec les représentants de la Wilaya IV. Ceci se passe en février 1960 et continue jusqu’en juin 1960. En juin 1960, Si Salah et deux responsables de la Wilaya IV, Si Mohamed et Si Abdelatif, sont reçus à l’Elysée par de Gaulle dans un secret total. De Gaulle leur dit qu’il va bientôt faire un discours pour appeler les gens du F.L.N. de l’extérieur, ce que l’on appelle le "G.P.R.A." – "Gouvernement Provisoire de la République Algérienne" – à discuter. Il y avait de forts tiraillements entre le "G.P.R.A." et les combattants de l’intérieur ; ceux-ci estimaient que ceux-là vivaient dans des palaces alors qu’eux-mêmes n’avaient plus d’armes et étaient de moins en moins soutenus par la population.
Durant cette entrevue, de Gaulle ne promet rien. Quelques jours plus tard, il fait un discours et appelle le "G.P.R.A." à venir discuter et le "G.P.R.A.", qui jusque-là n’avait jamais voulu discuter – sauf avec comme préalable l’indépendance de l’Algérie –, accepte d’envoyer des représentants discuter à Melun. C’est ce que l’on appelle "les entretiens de Melun", en juin 1960. Si Salah, entretemps est retourné en Algérie. Il avait indiqué qu’il tenterait de convaincre le patron de la Wilaya III, la Kabylie, dirigée par Mohand Ould el Hadj.  Ces deux événements sont concomitants. On peut penser – il y encore beaucoup de choses à apprendre – que le "G.P.R.A.", informé des discussions entre Si Salah et le gouvernement français, a accepté de venir à Melun pour couper l’herbe sous le pied de Si Salah dans la mesure où il n’était pas question qu’une Wilaya discute un cessez-le-feu avec l’armée française et avec le gouvernement français. Si Salah et ses compagnons, rentrés en Algérie, Si Mohamed se rend compte qu’il s’est mis dans une très mauvaise situation, se retourne, exécute Si Abdelatif et fait prisonnier Si Salah alors que le" G.P.R.A." a envoyé Bencherif de Tunisie "remettre de l’ordre" dans la Wilaya IV. Il y a eu des purges sanglantes dans la Wilaya IV. Si Salah finit aussi par être tué tandis que Si Mohamed est exécuté par un commando envoyé par les services secrets français. Le gouvernement a voulu un silence total sur cette affaire.
Alors, Michelet ? Il a été l’un des premiers informés puisque c’est passé initialement par son canal. Michelet avait à son cabinet deux profils de personnes. Il avait des gens qui étaient des "techniciens" de la Justice – si je peux dire – et des "politiques". Et dans les politiques, il y en avait deux, Joseph Rovan et Gaston Gosselin, qui étaient très pro-F.L.N. et qui avaient des communications directes d’une part avec les chefs F.L.N. emprisonnés à la suite de l’arraisonnement de leur avion, Ben Bella et autres, qui étaient donc en France, et, d’autre part, avec le "G.P.R.A." à Tunis. Donc, on peut penser qu’une information est passée au "G.P.R.A.".  Pourquoi ? Pourquoi Michelet aurait-il fait passer cette information ? Eh bien, de Gaulle était sceptique sur la portée des discussions avec la Wilaya IV qui pouvaient aboutir à un cessez-le-feu local ou régional. Il se rappelait peut-être son rôle pendant la guerre de 1939-45 – même s’il n’y a aucun rapprochement à faire entre la Résistance française et le terrorisme du F.L.N. –  : on discute avec un Gouvernement Provisoire établi à l’extérieur (le sien en 1944) et non avec les combattants de l’intérieur qui peuvent avoir des options différentes. Il a donc laissé tomber l’option Wilaya IV, avec à la clé des dizaines et des centaines de morts dans les purges internes au F.L.N. et la possibilité d’un arrêt des combats dès 1960.  
S’il n’y avait que cela, ce ne serait qu’un soupçon. Un responsables des services secrets français, le colonel Jacquin, qui après la guerre d’Algérie a rencontré Krim Belkacem en exil, ancien membre du G.P.R.A., l’a entendu lui dire qu’il avait été prévenu par Michelet. Des historiens disent : il n’y a qu’un témoignage, ce n’est pas sûr. En effet : « Testis unus, testis nullus ». Mais on ne peut quand même pas éliminer ce témoignage. Il y a un faisceau d’indices qui semblent prouver qu’il y a eu des fuites depuis le cabinet de Michelet. Est-ce Michelet lui-même. Sont-ce Gosselin et Rovan ? Et pourquoi ? Je le répète, Michelet avait, à ce moment-là pris le parti du F.LN. (rappelons que la France le combat).  L’indépendance est vraisemblable. Les chefs du F.L.N. sont Ben Bella et ceux du "G.P.R.A.". C’est avec eux qu’il faut s’entendre et pas avec ceux de l’intérieur. Bon, c’est une construction, je ne mettrai pas ma main au feu mais ce n’est pas à éliminer, loin de là.

RL : Pensez-vous que Michelet a de l’ambition personnelle ou bien est-il soumis à l’influence exercée sur lui par les membres de son cabinet ou par de Gaulle ?

BZ : C’est une question que je me suis posée. On se demande quelquefois si ce sont ses convictions, si c’est lui, par exemple quand il est ministre de la Justice, qui est à l’origine de certaines ordonnances. Ce n’est pas lui qui les élabore. Il n’est pas juriste, loin de là ! Y a-t-il une ambition personnelle ? Même chez lui, je crois que le goût du pouvoir existait. Je le crois, même si l’on dit qu’il était modeste, etc. etc. Il est difficile de sortir du pouvoir quand on y a goûté. Il y a manifestement l’influence de de Gaulle. Il le dit, il est gaulliste intégral. Il était monarchiste et, il l’écrit lui-même : « Pour moi, de Gaulle était le monarque ». Sa personnalité passe au second plan par rapport à ce que veut de Gaulle ou ce qu’il croit que veut de Gaulle.

RL : Ce qui revient souvent dans votre livre, c’est qu’il a fait passer son gaullisme avant ses convictions religieuses.

BZ : C’est ce que je pense, quand il n’y a pas confusion entre les deux ! Pour faire une pirouette, il a quitté le "Politique d’abord" pour tomber dans le "De Gaulle d’abord" et ce n’est pas mieux d’un point de vue chrétien, bien que certains aient voulu le béatifier (de Gaulle). Ah ! Ah ! Ah !…

RL : Petite parenthèse historique sur les liens avec le comte de Paris. Une conviction est-elle restée ou sont-ce des liens d’amitié ?

BZ : Il était resté assez monarchiste au fond et il faisait partie, même si c’est un peu flou, de ce qu’on a appelé les "gaullo-monarchistes", avec Philippe de Saint-Robert par exemple. Dès que de Gaulle a disparu du paysage politique, ils sont partis dans des directions très différentes. Oui, il était sensible à la Monarchie. Pour le 7ème centenaire de la mort de Saint-Louis, il s’était lancé à fond dans la préparation de la commémoration de cet événement.
L’Histoire de France, pour lui, c’était la Monarchie et la République ; tout y était. Pour lui, le comte de Paris avait une certaine légitimité. Il a essayé de réconcilier de Gaulle et le comte de Paris – je ne sais s’ils étaient à réconcilier – même si de Gaulle en voulait au Comte de Paris de ne pas s’être rallié à lui en 1940. A un moment, de Gaulle, ou son entourage,  a lancé le bruit - ou l’a laissé se propager – qu’en 1965 – il y avait une élection présidentielle – il ne se représenterait pas et que le comte de Paris serait candidat à la présidence de la République. Des gens y ont cru. De mon point de vue, c’était une manœuvre politique pour amener ou ramener vers le gaullisme un certain nombre de monarchistes n’ayant pas franchi le pas pour aller vers de Gaulle, en jouant sur le fait que la Constitution de la Ve République était de nature assez monarchique, encore plus alors que maintenant. On ne sait si Michelet comprend ce qui se passe ou pas. En tout cas, je ne le sais pas.

RL : Pour revenir à l’Algérie où Michelet va jouer un rôle important, d’abord comme Garde des Sceaux, puis, après l’indépendance à la tête de l’association France-Algérie, vous lui reprochez de n’être pas intervenu en faveur des harkis et des Européens d’Algérie. Pouvez-vous préciser son rôle à cette présidence et ce qu’il aurait pu faire ?

BZ : Pour revenir sur le premier point, son rôle en tant que ministre de la Justice, j’ai bénéficié – je lui suis infiniment reconnaissant – d’une préface de Michel Déon. Rien que pour la préface, il faut que ceux qui aiment Michel Déon la lisent. Je le cite : « La guerre qu’il (Michelet) n’a pas menée contre l’insurrection algérienne, il la mènera contre les opposants du régime, les soldats fidèles à la parole donnée une fois pour toutes ». Ce n’est pas de la langue de bois ou de la langue de coton ! Michel Déon dit clairement que Michelet s’est lancé à fond contre les partisans de l’Algérie française, et c’est vrai. Il y a le rétablissement de la peine de mort pour crimes politiques. C’est en vertu de cet article, l’article 99 du code pénal de l’époque, qu’ont été inculpés et jugés les généraux Challe et Zeller, le commandant de Saint-Marc et bien d’autres.

RL : Pourquoi a-t-il rétabli la peine de mort pour crimes politiques ?

BZ : Il y a eu une refonte complète du code pénal et du code de procédure pénale, engagée par Debré d’ailleurs auparavant, qui s’est traduite en juin 1960 par des ordonnances. Le gouvernement Debré avait eu les pouvoirs spéciaux pour un an et il pouvait légiférer par ordonnances pendant un an. Il y a eu des choses positives : les travaux forcés ont été supprimés, par exemple. On a institué les peines de détention criminelle et de réclusion criminelle, détention pour les "politiques" et réclusion pour les "droits communs". Ce qui avait trait à la sûreté de l’Etat a été complètement modifié. Il y avait précédemment deux types d’atteintes à la sûreté de l’Etat : intérieure et extérieure. Les peines étaient beaucoup plus sévères pour les atteintes à la sûreté extérieure de l’Etat (en provenance de puissances étrangères). La peine de mort ne s’appliquait pas pour les atteintes à la sûreté intérieure de l’Etat alors qu’elle s’appliquait pour les atteintes à la sûreté extérieure. . Tout cela a été fusionné, en gardant la peine de mort. C’est le fameux article 99 du Code Pénal. D’ailleurs, le procureur général Besson a écrit que « le procédé fut diabolique qui permit de faire appliquer la peine de mort pour crimes contre la sûreté (précédemment intérieure) de l’Etat ».
Cela ne va pas très bien « diabolique » pour un candidat à la béatification !
Mais, à mon avis, Edmond Michelet ne s’est peut-être pas bien rendu compte. Quand il écrit dans sa lettre au procureur général Besson : «  C’est étonnant, l’article 99 du code pénal s’applique exactement au cas des généraux Challe et Zeller », on se demande s’il est naïf ou faussement naïf.
Il demande la peine de mort. On peut dire : c’est normal. Il est dans le gouvernement et les généraux ont risqué d’allumer une guerre civile.

RL : Je me permets de préciser. Il s’agit des généraux uniquement impliqués dans le putsch. Ils ne sont pas engagés dans l’O.A.S..

BZ : Il n’y a pas eu effusion de sang. C’est clair et net. Le matin du procès, Michelet écrit au procureur général Besson ; il lui demande avec insistance de requérir la peine de mort – une longue lettre avec beaucoup d’attendus – et le procureur ne requiert que la détention criminelle à perpétuité.

RL : Ce n’était pas son rôle.

BZ : Si, il pouvait donner son avis au procureur en disant : le gouvernement souhaite que …
Les juges ne les condamnent qu’à 15 ans, alors que c’était un tribunal qui avait été institué pour cela, pour juger des faits qui s’étaient passés avant son institution. C’était vraiment un tribunal exceptionnel. 15 ans, cela signifiait qu’il y avait des circonstances atténuantes.
On peut dire : Michelet a appliqué les consignes gouvernementales, en fait celles de de Gaulle. Mais ce qu’il a dit après le procès… Il est furieux : « le détestable réquisitoire du procureur général…et le scandaleux verdict du Haut Tribunal Militaire… ». Cela prouve qu’il a une animosité persistante.
Et puis, plus tard, quand il s’agit de trouver un aumônier pour les prisonniers qui sont à Tulle, donc pas loin de Brive, on finit par désigner le chanoine Meyssignac, archiprêtre de Saint-Martin de Brive qui a Michelet parmi ses paroissiens. Et Michelet lui dit – ceci a été directement recueilli de la bouche du chanoine Meyssignac – « Alors, a-t-on a trouvé un aumônier pour les détenus de Tulle qui auraient dû être condamnés à mort pour que de Gaulle puisse les gracier ? »  Puis, ultérieurement, une fois le chanoine Meyssignac désigné, Michelet lui dit – je cite, excusez-moi c’est assez violent –  : « Eh bien, dîtes-leur à ces connards qu’ils ont eu beaucoup de chance de ne pas avoir été condamnés à mort car, à cette heure-ci, ils seraient morts ! ». Il y a quand même une animosité dans cette apostrophe ! Ce n’est pas très chrétien, quoi !

RL : Vous êtes impliqué directement dans cette affaire car vous êtes le fils du général Zeller. En quoi peut-on réellement considérer que cela va contre sa béatification ? N’a-t-il pas joué son rôle de Garde des Sceaux en demandant que la Justice condamne un acte illégal ?

BZ : Vous avez raison sur ce point. Je n’ai pas d’avis sur cette question bien que je trouve son insistance à demander la peine de mort suspecte. En revanche, les à-côtés, c’est-à-dire ce que je viens de rappeler et ce qu’il a écrit dans une lettre a Debré que j’ai également citée, cela montre une animosité persistante et on retrouve cette animosité en 1968 quand il s’agit d’amnistier les combattants de l’Algérie française. Après mai 1968, de Gaulle ne voulait plus d’ennemis sur sa droite. Entre parenthèses, les combattants de l’Algérie française venaient de partout, pas seulement de la droite. Le général Salan, le colonel Argoud et quelques autres qui étaient les derniers prisonniers sont graciés et libérés en juin 1968. Il y a en juillet un vote au Parlement sur une amnistie générale pour les combattants de l’Algérie française. Une nouvelle Assemblée nationale vient d’être élue, une assemblée gaulliste avec quand même 33 députés communistes. Eh bien Michelet, qui est député, il n’est plus ministre, s’oppose aux amendements visant à rétablir les anciens officiers dans leurs grades de la Légion d’honneur. Il vote avec une minorité de gaullistes et les communistes contre ses amendements alors qu’une majorité de gaullistes les votent. Il continue à leur en vouloir. Il y a une animosité persistante.
Comment l’expliquer ?

RL : Oui, c’est d’autant plus étonnant car, au contraire, il a été un fervent partisan de l’amnistie pour les anciens collaborateurs. Je ne sais qui l’a qualifié de ministre de la Miséricorde en tant que Garde des Sceaux. Parce que, effectivement, il a été à l’origine de beaucoup d’amnisties. Pourquoi n’y a-t-il que les partisans de l’Algérie française auxquels il refuse cette miséricorde ?

BZ : Mon explication, qui vaut ce qu’elle vaut, est celle-ci. Les seuls adversaires dangereux du général de Gaulle au tout début des années 1960 étaient les partisans de l’Algérie française. Les collaborateurs ? C’était fini. Les miliciens ? C’était fini. Vous savez qu’il reçoit Paul Touvier qui cherche à obtenir une amnistie pour les condamnations annexes à sa condamnation à mort qui, elle, est prescrite. Il réussit à joindre Edmond Michelet qui lui répond par courrier : « Cher ami, téléphonez à ma secrétaire pour prendre rendez-vous ». Et Touvier va le voir à Brive. Il est ouvert à tout le monde : les prisonniers F.L.N. – dont certains avaient commis des actes terroristes ignobles ? Il leur avait donné des droits très larges dans les maisons de détention. Mais mon explication, c’est que quand les adversaires du général de Gaulle sont menaçants pour son monarque, cela ne passe pas. Sa charité est hémiplégique.

RL : Un dernier point autour de la guerre d’Algérie – je l’évoquais tout à l’heure – sa présidence de l’association France-Algérie. Vous reprochez à Michelet de ne pas avoir profité de cette position pour protéger les harkis et les pieds noirs des massacres qui ont suivi les accords d’Evian.

BZ : Cela commence avant la création officielle de l’association France-               Algérie qui date de 1963. En août 1961, Michelet a quitté le ministère de la Justice. Au début de 1962, il est au Conseil Constitutionnel où il n’a pas grand-chose à faire et où il s’ennuie un peu. Il a des activités internationales dans des groupes internationaux de chrétiens. Il va donner des conférences en Espagne franquiste dans la perspective de l’arrimage de l’Espagne à l’Europe.
D’ailleurs, un petit détail – je ne peux m’empêcher de le mentionner – dans la liste des décorations officielles mentionnées dans le livre d’hommages à Edmond Michelet, ne figure pas la Grand’Croix de l’ordre de Saint Raymond de Penafort qui lui a été attribuée par le général Franco. Un oubli …
Donc, il fait beaucoup de choses. On sait, dès avril 1962 qu’il y a des massacres de harkis et, bien sûr, des enlèvements d’européens en Algérie. Il n’y a pas besoin d’antennes spéciales pour savoir qu’il y a des massacres. On le sait déjà. Il suffit de lire les journaux. Dans Le Monde, en 1962, après l’indépendance, il y a un article de Jean Lacouture qui parle de 10.000 morts, déjà. En plus, Michelet a une communication directe avec le F.L.N. et Ben Bella qui a pris le pouvoir. Le G.P.R.A. a été chassé par Ben Bella aidé de Boumedienne après une courte guerre civile de trois mois à l’été 1962. Il a, par Rovan et Gosselin, s’il le désire, tous les contacts et aussi par Hervé Bourges qui a été à son cabinet en 1961 et qui est au cabinet de Ben Bella quand celui-ci est initialement provisoirement président. . Hervé Bourges, d’ailleurs demande et obtient la nationalité algérienne – voir le Journal Officiel de la République Algérienne. Il a tous les éléments pour savoir et, sans doute, sait-il. Or, à moins  qu’il y ait des documents aujourd’hui inconnus, il n’y a rien. Pas un document montrant qu’il ait agi, alors qu’il est « ministre de la Miséricorde » ! Quand on sait qu’il y a eu des centaines et des centaines d’enlèvements d’européens et des dizaines de milliers de harkis massacrés ! Il était impliqué directement dans ces questions-là. Il était ministre de la Justice, il n’était pas ministre des Travaux publics ou de l’Agriculture ! Et même, en tant que simple chrétien, il fallait réagir. Certains l’ont fait. C’est une grosse et grave question qui se pose sur ce qu’il a fait ou n’a pas fait. Ensuite, quand il est à l’association France-Algérie, il est impensable de poser des questions sur ce sujet : l’association aurait été "persona non grata" à Alger. Donc rien. On le sait car il y a eu un colloque sur Edmond Michelet aux Bernardins en décembre 2010 et il y a eu une communication très bien faite et très révélatrice d’Eric Kocher-Marboeuf sur France-Algérie. Les bulletins de France-Algérie n’abordent pas – bien entendu – cette question et quand Ben Bella est renversé par Boumedienne en 1965, les lecteurs du bulletin ne le savent même pas, c’est soviétique !
Je voudrais citer un point intéressant. Dans un livre récent rassemblant des lettres et des notes de Georges Pompidou, présentées par Alain Pompidou et Eric Roussel, il y a une lettre de février 1963 de Monseigneur Gouyon, archevêque de Rennes – l’est-il déjà ? – qui demande à Georges Pompidou, premier ministre : Qu’avez-vous fait, qu’allez-vous faire pour sauver les harkis ? Donc Monseigneur Gouyon, qui n’était pas du tout un "conservateur", qui avait attiré l’attention sur des cas de torture durant la guerre, lui, n’hésite pas à écrire au premier ministre.
Pour Michelet, je n’ai rien trouvé. Peut-être des historiens trouveront. Tant mieux pour Edmond Michelet. Mais si on ne trouve rien, c’est énorme, c’est grave. Car il était très proche de tout cela.

RL : Par son silence, il se fait presque complice de ces massacres.

BZ : S’il n’y a rien, je trouve cela terrible. Je pourrais oublier tout le reste mais cela, on ne peut pas l’oublier. C’est un point clé.

RL : Un dernier point auquel vous tenez car il n’a aucun rapport avec la guerre d’Algérie. Bien que, je le répète, votre livre est vraiment un livre objectif qui se contente d’exposer les faits et de poser les questions.
Il y a un dernier point, la question de la contraception. Edmond Michelet était ministre quand la première loi autorisant la pilule a été votée et, selon vous, ce pourrait être un point bloquant dans le processus de béatification.

BZ : Je ne sais si c’est un point bloquant mais c’est une question à poser. Il est ministre de la Fonction Publique. Cela n’a rien à voir avec la pilule, me direz-vous. Cela se passe en 1967. Un député, Lucien Neuwirth, qui, entre parenthèses, avait détourné le mouvement du 13 mai 1958 vers le retour au pouvoir du général de Gaulle et qui était alors partisan fanatique de l’Algérie française – enfin il le disait – mais qui a oublié rapidement ses convictions, Lucien Neuwirth dépose une proposition de loi – ce n’est pas un projet de loi, qui viendrait du gouvernement – autorisant la pilule. Cela s’appelle d’ailleurs : « Proposition de loi concernant la prophylaxie anticonceptionnelle ». A l’époque, il ne pouvait y avoir de publicité pour les méthodes contraceptives, et ce depuis 1920 étant donnée la faible démographie de la France avant la seconde guerre mondiale. La loi de 1920 réprime la provocation à l’avortement et la propagande anticonceptionnelle.
La proposition de loi de Lucien Neuwirth est examinée en conseil des ministres. Alain Peyrefitte le raconte dans "C’était de Gaulle". De Gaulle demande l’avis des ministres. Il y a des ministres qui sont contre, comme Raymond Marcellin, pour des raisons morales ou liées à la démographie ; il y a un ministre qui est pour. C’est Christian Fouchet parce qu’il est ministre des Départements et Territoires d’Outremer  et qu’il souhaite que la démographie se calme dans les D.O.M.-T.O.M.. C’est un peu spécial comme position… Michelet dit : « C’est une loi de régression ; la femme, qui est une personne, va devenir un objet ». De Gaulle, une fois le tour de table terminé, conclut : « Eh bien, puisqu’il faut y passer, nous allons y passer ! » Finalement, le conseil des ministres donne son accord sur cette proposition de loi et donne le feu vert pour son vote par le Parlement. A l’époque, les députés gaullistes obéissaient au doigt et à l’œil aux ordres venant de l’Elysée.
La loi est votée et promulguée à la fin de 1967 et Michelet…. Michelet reste ministre.
Il me semble que la Force, au sens de la vertu chrétienne, serait à ce moment-là de s’opposer, de dire : « Je ne suis pas d’accord », de le faire savoir largement et, si nécessaire, de démissionner. C’est à ces moments-là que l’on doit être en accord avec ses convictions. Je pose la question. Je ne suis pas théologien.

RL : A cette époque, où en est l’expression de la position de l’Eglise sur cette question ?

BZ : En effet, vous avez raison ; quelle est la position de l’Eglise ? Elle est explicitée par Pie XI, reprise par Pie XII qui s’intéresse de près à toutes les questions d’ordre médical et qui était devenu expert dans ces domaines. Il assistait et participait à de nombreux congrès de médecins, de sages-femmes…
Ensuite, sous Jean XXIII, rien n’avait été modifié. La position était claire, c’était : pas de contraception non naturelle, artificielle.
Au concile de Vatican II, Paul VI a créé un groupe de travail sur la famille, le mariage, sur ces questions de contraception ; qui a divergé. Paul VI en a repris la direction et a dit en 1964 – c’est-à-dire avant 1967 –  que les préceptes antérieurs restaient valables et, en 1968, a publié l’encyclique Humanae Vitae qui a un champ beaucoup plus large que la contraception à laquelle les médias l’ont réduite aujourd’hui – elle est très intéressante d’ailleurs – et qui confirme que la pratique de méthodes de contraception artificielle est considérée par l’Eglise comme un pêché , ceci dans la conception chrétienne du mariage. C’est cela qui est intéressant : il faut voir la conception chrétienne du mariage et non uniquement le côté interdiction, caricaturé aujourd’hui. La position de l’Eglise n’a pas changé depuis 45 ans, en réalité depuis que ces questions se posent. Ce n’est donc pas une position conjoncturelle. 
Ce qui est étonnant, c’est que Michelet signe en décembre 1968 avec quelques intellectuels catholiques un manifeste de soumission à l’Eglise et à Sa Sainteté Paul VI. L’Eglise commençait à être agitée sérieusement de l’intérieur à la suite du concile Vatican II et de mai 1968.

RL : Selon vous, Michelet aurait dû se manifester publiquement ?

BZ : Je ne suis pas théologien et n’en sais donc rien. C’est une question d’état d’esprit. Aujourd’hui, par exemple, avec ce qui se passe autour du prétendu "mariage pour tous". C’est dans ces occasions que les hommes politiques chrétiens doivent se manifester. Or, on ne les voit pas beaucoup. Cela ne veut pas dire que ce sont eux-seuls qui doivent organiser la protestation. Un maire qui est chrétien et croyant devrait le dire.
Les convictions, il est facile d’en avoir quand rien ne s’oppose à elles, mais quand cela met sa position matérielle ou sociale en péril, c’est à ce moment-là qu’il faut absolument les affirmer.

RL : Baudoin de Belgique a eu un geste fort au moment du vote de la loi belge sur l’avortement.
Juste pour préciser : s’agissait-il de la pilule contraceptive ou de la pilule du lendemain ?

BZ : Vous savez, cela commence en 1968 avec la pilule contraceptive délivrée sur ordonnance, interdite aux moins de 18 ans et cela arrive à l’avortement généralisé remboursé à 100% par la Sécurité Sociale. C’est comme ce prétendu mariage pour tous qui débouchera sur n’importe quoi.
Donc, le rôle nul de Michelet sur cette question, en 1967, est important à mon sens.

RC : Très bien. Bernard Zeller, merci d’avoir répondu à notre invitation. Nous invitons les auditeurs à se procurer votre livre "L’autre Visage d’Edmond Michelet" publié aux Editions Via Romana, avec une préface de Michel Déon de l’Académie Française et en bandeau, un mot d’Hélie de Saint-Marc : "Pour que la Vérité l’emporte".

BZ : Merci beaucoup


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